L’art d’apprendre ensemble

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Apprendre plus, apprendre mieux

La collaboration est souvent perçue comme une astuce pour diversifier le transfert des connaissances ou simplement une compétence parmi d’autres qu’il faut développer chez l’étudiant afin qu’il sache minimalement interagir avec ses pairs. À mes yeux, la collaboration est beaucoup plus centrale et importante : elle est le pivot autour duquel je bâtis mes cours. Je m’en sers comme moteur pour animer les classes et comme outil pour que les étudiants s’approprient la matière.  

J’essaie autant que possible de mettre les étudiants en position d’interdépendance d’apprentissage (et non d’évaluation). J’aime bien que les étudiants apprennent ensemble, mais qu’ils soient évalués individuellement autant que possible. Ainsi, pour un pan de matière donnée, une partie de la classe est responsable de tel système, chapitre, schéma, idée… Ensuite, l’équipe doit aider le reste de la classe à comprendre le concept qui lui était attribué, par différents moyens, du plus classique au plus extravagant. On en vient à varier les méthodes utilisées, les outils technologiques et les modes de présentation au fil des cours.

Non seulement les concepts sont expliqués en des termes qui se basent sur des connaissances antérieures communes à l’ensemble des étudiants, mais il oblige les élèves à cerner les informations importantes, à prendre des décisions quant aux moyens de les enseigner à leurs pairs et à utiliser les bons mots pour transmettre leurs idées. Bien sûr, je les aide toujours dans ce processus afin que tous sentent qu’ils ont le droit à l’erreur et je veille à ce que l’apprentissage se fasse toujours dans un climat de bienveillance. Les étudiants travaillent ainsi de concert, afin que toute la matière soit couverte dans un processus faisant intervenir des ressources technologiques, des idées, des mots et des styles propres à chacun. 

Ce processus ressemble beaucoup à ce que l’on retrouve dans tout emploi stimulant : analyse d’informations en lien avec notre travail, communication efficace des idées importantes à l’équipe et possibilité d’entraide dans le but d’atteindre un but commun. On ne s’attend pas à ce qu’un citoyen soit passif devant un problème sociétal ou qu’un employé attende qu’on lui dise quoi faire : il doit se concerter avec ses semblables, présenter ses idées et participer à une prise de décision qui soit bénéfique à tous, incluant lui-même. Cette capacité de collaborer vient bien sûr avec son lot d’avantages connexes comme la maîtrise d’outils technologiques collaboratifs en temps réel ou la capacité de se coordonner rapidement et efficacement en équipe. Conséquemment, les étudiants compétents en ce sens auront une longueur d’avance considérable une fois à l’université, puis éventuellement sur le marché du travail, par l’efficacité accrue qui y est associée.  

Collaboration enseignement

Cependant, ce qui me pousse personnellement à promouvoir la collaboration n’est pas (du moins, pas seulement) la volonté de former des travailleurs hors pairs : je souhaite avant tout qu’ils soient des humains qui se sentent accomplis au plan personnel. La collaboration offre à un jeune la possibilité de tester ses capacités et d’aider les autres à en faire de même. Il offre naturellement une possibilité d’entraide, bénéficiant à ceux qui en ont besoin et offerte par ceux qui peuvent la fournir – et ce lien peut s’inverser dans d’autres contextes.  

Bien que cela soit plus difficile sur le plan technique, j’essaie aussi d’appliquer mes méthodes en temps de pandémie, car maintenant plus que jamais, toute personne a besoin de sentir qu’elle est utile et qu’elle appartient à un groupe qui a besoin d’elle. Si j’ai de la difficulté à me lever un matin, je pense au fait que des jeunes comptent sur moi pour leur enseigner et les aider. Avec la pandémie, je réalise qu’il en est de même pour les étudiants. Ils ont besoin de savoir qu’ils apporteront une contribution à la classe, qu’ils permettront à leurs amis de mieux comprendre un bout de matière, qu’ils auront l’occasion d’aider, qu’ils pourront faire au moins une petite différence dans le quotidien des leurs. J’espère qu’ils y prendront goût et j’aurai ainsi contribué, à mon échelle, à faire d’eux des humains qui ont la capacité de travailler avec les autres, d’écouter, de présenter leurs idées et, surtout, de contribuer au bien commun en toute bienveillance. 

Jessica MT Pham, professeur de biologie