Le trésor de Marie
Une ferme en Abitibi, au milieu du dix-neuvième siècle. Marie Lajonchère avait une belle aiguille à coudre tout en argent, un cadeau légué de mère en fille depuis des générations. Elle s’en servait pour rapiécer et étirer les morceaux de linge qui avaient décidé de rendre l’âme. Ce matin-là, Marie a décidé de coudre dans la grange. Elle avait le goût de solitude et de calme la mastication de la vache et l’odeur du bois humide l’apaisaient. Peut-être stimulé par un reflet de l’aiguille ou un son impromptu, toujours est-il qu’un gros matou saute sur Marie qui échappe alors son aiguille, vous l’aurez deviné, directement dans une botte de foin. Elle fonce pour essayer de récupérer son trésor pour le voir s’enfoncer encore davantage.
Marie fouille et fouille, en vain. Elle est presque en larmes. C’est alors qu’approche la petite Madeleine, la taquine, l’espiègle, l’allumée cadette.
– Tu cherches quoi m’man?
– Mon aiguille! Elle est perdue dans cette botte de foin!
– Tu la trouveras jamais comme ça…
– Ah oui, finfinaude, comment vais-je faire alors?
– Ben sers-toi du gros aimant de la cuisine.
– L’aimant n’est pas assez fort pour fouiller tout le foin.
– Mets le feu avant…
– …
– Ben oui brûle ton tas de foin et fouille les cendres avec l’aimant.
Marie, une fois de plus impressionnée par l’esprit vif et curieux de sa petite Madeleine, s’est mise à exécution et retrouva son aiguille.
À quoi ça sert la créativité? À trouver une aiguille dans une botte de foin. Plus généralement à imaginer des solutions novatrices à des problèmes parfois vieux comme le monde, à construire des histoires pour faire comprendre des situations complexes, à faire avancer la vie.
Dans le monde du travail et de la citoyenneté qui se dessine, les problèmes risquent plus de se multiplier que de se faire rares. Les technologies vont apporter leurs solutions mais aussi leurs lots de défis. Entre les crises sanitaires et écologiques, les enjeux vont s’ajouter les uns aux autres plutôt que s’annuler. On peut décider de laisser aller le tout à la dérive ou bien de voir en cet avenir une opportunité, une chance de bâtir un monde meilleur. Pour ça, il nous faudra de l’imagination, de l’audace, de la curiosité, en un mot, de la créativité.
Libérer son cerveau pour lui permettre de faire des liens nouveaux, d’imaginer des idées fortes, de créer ça s’apprend. Notre matière grise peut être considérée comme un muscle qu’il faut nourrir, stimuler, entraîner. Découvrir de grands esprits créatifs, développer des techniques pour générer des idées, réveiller des coins cachés de sa mémoire sont autant d’activités qui aident à développer la petite Madeleine en nous. Avoir un esprit créatif deviendra alors pour vous aussi naturel que de trouver une aiguille dans une botte de foin.
Martin Ouellette
Professeur de communication
Collégial international Sainte-Anne